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La « flow chemistry », un tournant pour la chimie fine

08/07/2020
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Le génie des procédés au coeur de la chimie fine

C’est une question de culture. Dans la chimie fine, royaume des organiciens, les synthèses chimiques en batch ont toujours eu le dessus, de l’échelle du ballon de laboratoire à celle du réacteur industriel. La chimie en continu, ou « flow chemistry », était réservée à la chimie lourde, focalisée sur sa sécurité et ses coûts de production, et pilotée par des spécialistes du génie des procédés. Mais cette dichotomie n’est plus d’actualité. Le génie des procédés s’immisce de plus en plus dans la chimie fine, introduisant progressivement l’idée que la chimie en continu pourrait apporter un renouveau à la discipline. Parmi les adeptes de cette pensée, on peut citer la société Weylchem qui teste toutes sortes d’innovations procédé sur son site de Lamotte, dans l’Oise. Plus au sud, dans l’arrière-pays niçois, La Mesta a développé, il y a quelques années, le célèbre Raptor, qui est un réacteur capable de réaliser des synthèses industrielles en continu, notamment des phosgénations.

Une nouvelle unité pilote Gmp au Seqens Lab

D’ici à la fin de l’année, ce sera le tour du groupe lyonnais Seqens d’équiper son centre de recherche Seqens Lab, à Porcheville dans les Yvelines, d’une nouvelle unité pilote GMP fonctionnant en continu. Cette unité pourra accueillir des réactions de nitration, diazotation ou halogénation et produire des lots commerciaux jusqu’à l’échelle de la tonne. « Plus de 35 % des médicaments approuvés par la FDA nécessitent au moins une étape de nitration dans leur processus de fabrication, et environ 20 %, une étape de fluoration, pour ne citer que ces deux familles de réactions », a calculé Gérard Guillamot, directeur scientifique de Seqens. Or de telles étapes chimiques mettent en œuvre des agents de synthèse souvent très réactifs, parfois corrosifs ou toxiques, tels que l’acide nitrique, le nitrite de sodium, les azotures ou l’acide fluorhydrique. Aujourd’hui, le secteur de la chimie fine estime que l’innovation « procédé » est une condition sine qua non pour la relocalisation de capacités de production en Europe.

Il y a trente ans, seulement 20 % de nos actifs pharmaceutiques étaient produits en Asie, en particulier en Inde et en Chine. Aujourd’hui, le ratio s’est installé entre 60 et 80 %. On a longtemps évoqué le prétexte de coûts de main-d’œuvre moins élevés. Mais les niveaux de vie en Asie commencent à s’aligner. En revanche, ce sont les réglementations drastiques européennes qui ont repoussé durablement l’industrialisation de ces réactions « dangereuses » vers une Asie moins regardante. L’introduction de la chimie en continu est de nature à changer la donne et pourrait permettre de rapatrier ces réactions critiques dans le respect total de la sécurité et de l’environnement. En tout cas, Seqens se dit prêt à amorcer ce virage, profitant de son histoire qui lui a permis de réunir une expertise en chimie de synthèse (ex-PCAS) et en génie des procédés (ex-Rhodia) pour développer cette chimie en continu et l’appliquer à son métier de CDMO.

Le financement de la recherche de nouveaux procédés innovants et respectueux de l’environnement est l’une des dix mesures préconisées par le syndicat Sicos Biochimie pour soutenir la réindustrialisation de la profession. La crise du Covid-19 a révélé au grand public notre dépendance à l’Asie, même si les professionnels du secteur l’avaient identifiée depuis longtemps avec la multiplication des ruptures de médicaments essentiels. C’est un sujet clé dont il faudrait enfin s’occuper pour envisager la reconquête de notre souveraineté sanitaire.

Source: https://www.info-chimie.fr/edito-le-tournant-de-la-flow-chemistry,106876