Médicaments: chez Seqens, on développe les principes actifs du futur
La technologie de Chimie en Flux
L’installation ne dépasse pas un mètre de hauteur, mais pourrait s’avérer essentielle en cas de nouvelle pandémie: le laboratoire Seqens veut mettre au point plus rapidement des principes actifs nécessaires à la fabrication de médicaments, avec la technologie dite de chimie en flux.
Au Seqens’Lab de Porcheville, en région parisienne, le centre mondial de recherche du groupe français, deuxième producteur européen de principes actifs, jusqu’à 14 projets de molécules sont actuellement en cours, détaille Christophe Eychenne-Baron, directeur du laboratoire.
Ici, 120 chercheurs travaillent à développer les principes actifs de demain – ces molécules sans lesquelles les médicaments ne seraient que des pilules bonnes à servir de placebo – pour de petites sociétés de biotechnologies ou de gros laboratoires qui cherchent de nouveaux médicaments.
La « machine » de chimie en flux, qui pour l’œil profane n’a rien d’impressionnant, fait la fierté de l’équipe. Des réactifs différents y sont pompés dans une chambre, et soumis à diverses réactions dans ce qui ressemble à de petites bobines.
« Cette technologie permet de travailler avec moins de solvants. Elle permet aussi de tester plus de réactions, et d’aller plus vite, avec une dizaine de projets en même temps », décrit Christophe Eychenne-Baron. « Ainsi, on est capables de contrôler exactement ce qui se passe. C’est l’innovation du futur. »
La chimie en flux permet notamment de contrôler les dégagements de chaleur et de tester des réactions chimiques qui ne seraient plus réalisées en Europe sinon, en raison notamment de critères environnementaux.
Un argument pour l’indépendance sanitaire de la france
C’est un argument de poids, car la question de la dépendance à l’Asie s’est posée de façon criante durant la pandémie. « Pour rapatrier certaines molécules de Chine, l’un des seuls moyens sera d’utiliser cette technologie », estime le directeur du laboratoire.
Pour les rapatrier ou en créer de nouvelles: Seqens a notamment été amené à développer une molécule de la biotech Abivax testée pour traiter le Covid-19.
« L’important, en cas de crise sanitaire, est la capacité à aller vite. Plus vite on obtient quelques kilogrammes de substance active, plus vite on peut extrapoler à l’échelle industrielle », explique M. Eychenne-Baron.
C’est, en quelque sorte, un jeu de Lego. « On prend une molécule A qui va être transformée en molécule B dans un deuxième site et qui part dans un troisième site pour subir encore une réaction », décrit Pierre Luzeau, le président de Seqens qui s’appelait Novacap jusqu’à fin 2018 et est détenu par la société d’investissement Eurazeo. En tout, Seqens a trois centres de recherches dans le monde et emploie 3.200 personnes.
A quelques centaines de mètres du laboratoire, à l’usine de Limay, les principes actifs sont finalisés à l’échelle industrielle dans de grandes cuves. Puis les liquides à l’apparence laiteuse passent à l’essoreuse et au séchage, pour produire une poudre vendue aux divers fabricants de médicaments.
Mais cela nécessite d’avoir les matières premières ou les « intermédiaires », souvent produits en Asie.
« Il y a 20 ans, les usines françaises et européennes fabriquaient des principes actifs et des intermédiaires. Vingt ans après, tout est parti ailleurs », déplore M. Luzeau. « La crise sanitaire a amené une prise de conscience indubitable. »
Le groupe seqens
Seqens, avec 24 sites de production au monde dont 15 en France, continue d’investir, à hauteur de 290 millions d’euros sur la dernière décennie dans l’hexagone, selon son président.
Le groupe, l’un des leaders mondiaux du principe actif de paracétamol dans son usine chinoise, a entamé une réflexion avec les autorités françaises pour déterminer si cette production peut être relocalisée.
Encore faut-il que les fabricants s’y retrouvent, prévient Isabelle Fréret, représentante CFE-CGC de la branche industrie pharmaceutique. Tandis que les gros laboratoires se concentrent sur les médicaments à haute valeur ajoutée et se désintéressent des molécules qui rapportent moins, les sous-traitants « commencent à tirer la langue », dit-elle.
« Si on veut fabriquer des produits en pénurie, il faut des technologies complémentaires », souligne Pierre Luzeau. Dans tous les cas, cela « n’aura de résultats que dans plusieurs années », tant les processus de validation sont longs. En espérant qu’une nouvelle pandémie ne se déclare pas entre-temps.